Pourquoi plusieurs pays européens veulent revoir leur coopération militaire avec Israël

coopération militaire avec Israël

Face à la guerre à Gaza, l’Europe commence à changer de ton. Plusieurs gouvernements, sous pression politique et populaire, remettent en cause leur coopération militaire avec Israël.

Gaza : le point de rupture

Depuis l’automne 2023, les regards du monde entier sont tournés vers Gaza. Ce territoire déjà ravagé par des années de blocus et de conflits successifs a été frappé avec une intensité inédite.

Les bombardements israéliens, consécutifs à l’attaque du Hamas du 7 octobre, ont causé des dégâts humains et matériels colossaux. Selon les derniers chiffres communiqués par les autorités sanitaires locales, on compte plus de 35 000 morts, en grande majorité des civils, parmi lesquels des milliers d’enfants.

Des quartiers entiers ont été rayés de la carte, les infrastructures médicales sont détruites ou hors service, et les ONG parlent d’une situation humanitaire proche de la famine.

Pour la première fois, des pays européens, longtemps fidèles alliés d’Israël, remettent en question leur partenariat militaire avec l’État hébreu. Ce basculement n’est pas anodin. Il est le résultat d’une accumulation de facteurs : pression de la société civile, critiques de la communauté internationale, et volonté croissante d’éviter toute complicité avec des actions pouvant relever de violations du droit international humanitaire.

Cette remise en question n’est pas uniforme, mais elle s’accélère. La guerre à Gaza agit comme un déclencheur, un révélateur des tensions sous-jacentes qui couvaient depuis plusieurs années entre certains pays européens et Israël.

Le contexte de 2024-2025 diffère nettement des années précédentes : les réseaux sociaux amplifient les images de destructions, la génération montante est plus sensible à la question palestinienne, et la guerre d’opinion se joue autant dans la rue que dans les parlements.

Berlin, Madrid, Dublin : quand la diplomatie vacille

L’Allemagne a longtemps été considérée comme l’un des partenaires les plus fidèles d’Israël. Ce lien historique, né des responsabilités allemandes dans la Shoah, a souvent conduit Berlin à soutenir son allié, même dans des moments polémiques.

Pourtant, le discours a évolué ces derniers mois. Le chancelier Friedrich Merz a parlé publiquement de « frappes incompréhensibles » à propos des opérations israéliennes à Rafah. Plusieurs députés, y compris au sein de la coalition gouvernementale, ont appelé à suspendre les livraisons d’armes.

L’Allemagne avait pourtant exporté près de 326 millions d’euros d’équipements militaires vers Israël en 2023. Cette inflexion est décisive. Elle témoigne d’une prise de conscience : continuer à fournir des armes pourrait être interprété comme un soutien direct aux opérations militaires dans des zones densément peuplées.

D’autres pays suivent ce virage. En Espagne, la coalition Sumar pousse pour un retrait de l’ambassadrice à Tel Aviv et demande un embargo complet. Le Congrès examine une proposition de loi pour interdire toute exportation d’équipement militaire vers Israël.

L’Irlande, très active sur la scène diplomatique, veut aller plus loin : certains parlementaires parlent de sanctions économiques ciblées.

Ces mouvements ne sont pas qu’un affichage symbolique. Ils sont le fruit d’une convergence entre les émotions populaires et les calculs politiques. Il devient de plus en plus coûteux, sur le plan électoral, de paraître silencieux face à des scènes de guerre diffusées en boucle. La diplomatie européenne, souvent critiquée pour sa tiédeur, se trouve forcée de revoir ses lignes rouges.

La pression juridique des ONG

La rue n’est pas la seule à faire entendre sa voix. Les ONG européennes, des associations de défense des droits humains et même certains cabinets d’avocats militent activement pour la fin de la coopération militaire avec Israël.

Au Danemark, plusieurs organisations ont porté plainte contre l’État pour avoir continué à fournir du matériel militaire à un pays accusé de commettre des crimes de guerre.

En France, des collectifs dénoncent le « silence complice » du gouvernement et réclament un débat parlementaire sur les ventes d’armes.

La question qui se pose est la suivante : un pays peut-il continuer à vendre du matériel de guerre à un autre, s’il existe des indices raisonnables de violations graves du droit international humanitaire ? La justice pourrait être amenée à trancher.

Cette pression judiciaire change la donne. Les gouvernements ne peuvent plus se contenter de justifier leurs contrats au nom des intérêts stratégiques. Ils doivent rendre des comptes, y compris devant leurs propres tribunaux.

D’autant que les conventions internationales signées par les pays européens les engagent à ne pas faciliter la commission de crimes de guerre.

Le climat est donc à la vigilance extrême. Chaque contrat, chaque livraison, chaque coopération technique est scrutée à la loupe. Et les responsabilités, en cas de contentieux, pourraient être lourdes.

Vers une reconfiguration des alliances ?

Le changement en cours n’est pas anecdotique. Il pourrait même annoncer une transformation profonde des relations stratégiques entre l’Europe et Israël.

Pendant longtemps, Israël a bénéficié d’une forme de tolérance politique : ses opérations étaient jugées défensives, ses justifications sécuritaires faisaient consensus. Aujourd’hui, le contexte est différent.

L’opinion publique européenne est plus divisée, voire franchement critique. Les nouvelles générations, influencées par les réseaux sociaux, sont sensibilisées à la cause palestinienne.

Le poids de ces perceptions influe sur les choix des dirigeants. Ceux-ci doivent à présent composer avec un double équilibre : maintenir les liens stratégiques historiques tout en répondant aux attentes morales et politiques de leurs électeurs.

Il est encore trop tôt pour parler de rupture totale. Mais les signaux sont clairs. L’Union européenne envisage de revoir l’accord d’association signé avec Israël en 2000. Ce texte, qui régit les relations commerciales et politiques, comporte une clause dite « droits de l’homme ».

Si elle était activée, cela pourrait entraîner la suspension d’une partie des coopérations. Dans ce climat tendu, Israël risque de perdre une partie de son capital politique en Europe.Et les conséquences pourraient être durables : isolement diplomatique, redéploiement des alliances vers d’autres régions, ou encore baisse des investissements conjoints. Ce glissement est à suivre de près. Il en dit long sur l’état du monde et sur la manière dont les conflits locaux redessinent les équilibres géopolitiques globaux.

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